Recherche
Chroniques
Don César de Bazan
opéra-comique de Jules Massenet
Il est toujours bon de saluer les initiatives qui démentent la réputation de l'opéra comme un art aux budgets obèses. À cet égard, celle des Frivolités Parisiennes, qui ressortent des bibliothèques des ouvrages mésestimés, mérite l'attention. Après avoir créé le spectacle à Saint-Dizier le 28 février dernier, la résurrection de Don César de Bazan de Jules Massenet fait une escale unique à Paris, au Théâtre de la Porte Saint-Martin, avant de poursuivre sa tournée hexagonale.
Opus de jeunesse du père de Manon et Thaïs, à un âge où d'autres se sont déjà déclarés sur la tribune du génie, la la partition (créée à l’Opéra-Comique en 1872) dormait depuis des décennies sur les étagères, sans doute handicapée par la diversité des sources, autant que par l'ombre des œuvres inscrites au répertoire. L'inspiration s'articule autour de quelques motifs et formules mélodiques reconnaissables que d'aucuns bouderont pour leur récurrence facile. À l'évidence, le destin de Don César et les intrigues de la cour d'Espagne s'affranchissent de la pompe comme de la complexité dramatique, au profit de rebondissements efficaces qui, ne négligeant pas la couleur comique, s'accommodent d'un canevas musical sans ambages où les séquences parlées ne sont pas avares.
Dans une esthétique de tréteaux qui sait tirer parti des contraintes de la scène et des ressources d'un dispositif unique, Damien Bigourdan ne s'embarrasse pas de reconstitution historique et assume la bonhomie du divertissement dominical autant que l'équilibre particulier de l'œuvre, passablement étrangère aux enrobages. Les costumes contemporains de Mathieu Crescence sollicitent vraisemblablement le second degré, sans que les blouses de carabin s'élucident sans ambiguïté. Le travail d'éclairage de John Carroll ne contredira pas la conception d'ensemble.
Dominant sensiblement le plateau de son soprano charnu, Sabine Revault d'Allonnes affirme d'évidentes ressources et habite sa Maritana de nuances expressives, soutenant une incarnation d'une intéressante intensité. Dans le rôle-titre, Jean-Baptiste Dumora fait preuve d'un certain à-propos théâtral, privilégiant souvent le texte. Jérôme Billy inscrit le Roi dans les limites d'un instrument aux aigus contraints, tandis que Jean-Claude Saragosse assume le baume comploteur de Don José. Le Lazarille léger, sinon frêle, campé par Héloïse Mas ne manque pas d'attrait, quand Sevag Tachdjian possède la solide stature du Capitaine.
À la tête de l'Orchestre des Frivolités Parisiennes (une trentaine d’instrumentistes), la direction de Mathieu Romano, au diapason d'un chœur réduit à sept solistes, ne s'encombre pas de l'épaisseur lyrique défendue parfois à l'excès par des structures autrement plus dispendieuses, qu'on ne peut juger qu'à l'aune des obligations de réussite : le risque et la redécouverte n'ont pas vocation à être côtés en bourse – la compagnie nomade en témoigne.
GC